Comment utiliser l’IA pour apprendre mieux ? Quels sont les risques de l’IA dans l’éducation ? Comment peut-on évaluer un élève sur des travaux personnels ? Voici quelques-uns des thèmes débattus lors d’une Convention citoyenne étudiante organisée les 04 et 05 avril 2025 à Bordeaux Métropole. Cette initiative émane de la Chaire Philosophia en cours de création, portée par Mazarine Pingeot, enseignante-chercheuse à Sciences Po Bordeaux, par ailleurs responsable pédagogique des Rencontres Sciences Po Bordeaux / Sud-Ouest. « Cette initiative répond au désir d’amener la philosophie à l’école, un souhait partagé par les étudiants. Elle abordera la question de l’articulation entre science et démocratie à l’heure où notre société est percutée par des domaines complexes pour lesquelles nous ne disposons pas de toutes les clés ». Dans ce cadre, cette chaire a décidé d’impulser un format annuel de convention citoyenne et a donc choisi comme première thématique l’IA.
Au-delà du sujet d’actualité, son approche a été originale puisqu’elle a fait se réunir et débattre des étudiants aux profils différents, dont des futurs ingénieurs de Bordeaux INP, des étudiants de plusieurs universités (Bordeaux, Bordeaux Montaigne et La Rochelle) et des élèves de l’Institut. Nous avons interviewé à ce titre Andréa Lalonnier en Master 1 Communication publique à Sciences Po Bordeaux. Le choix de cette problématique est d’autant plus judicieux que Philosophia bénéficie de l’accompagnement de la Fondation Bordeaux Université qui soutient déjà la chaire IA digne de confiance de Bordeaux. Créée par Laurent Simon, professeur en informatique au Labri1, celle-ci a apporté son expertise à l’événement. Cathel Bousquet, Directrice adjointe Stratégie & Prospective de la Fondation Bordeaux Université et partie prenante de cette manifestation, nous explique dans son interview à lire ici sa genèse et son intérêt pour le pôle universitaire bordelais.
Une charte IA à venir à Sciences Po Bordeaux
La Convention est intervenue alors que Sciences Po Bordeaux planche sur la création d’une charte IA, dans les tuyaux depuis quelque temps. Florie Brangé, responsable de la Cellule d’appui à la pédagogie de Sciences Po Bordeaux, en a la charge. « Jusqu’à présent, et comme dans de nombreux établissements supérieurs en France, il n’y avait pas de cadrage officiel clair sur l’IA. Pour autant, différentes actions ont été menées au sein de l’établissement : charte anti-plagiat avec citation des sources, information à destination de la communauté enseignante sur « Les outils d'IA générative et l'enseignement », temps consacrée à l’IA en février 2025 via notre cellule d’appui à la pédagogie, guide d’usages des outils d’IA générative à destination des élèves, étude sur les pratiques étudiantes ou encore soutien de l’établissement à un enseignant-chercheur 2 pour congé pour un projet pédagogique en lien avec l’IA ». Et Florie Brangé d’enchaîner sur l’intérêt des débats de la Convention citoyenne qu’elle a suivis avec attention. « Cet événement inter-disciplinaire et inter-établissement a été intense. J’en retiens la puissance de l’intelligence collective pour creuser le sujet. J’ai écouté enseignants et étudiants parler de compétences et d’apprentissage, mais aussi de triche. La matière produite constitue une excellente base pour amorcer une réflexion de longue haleine au sein de l’établissement et peaufiner la charte qui sera proposée ».
Anticiper le risque de suspicion
Interrogée sur le choix de l’IA comme première thématique de la Convention citoyenne qu’elle a co-organisée, Mazarine Pingeot a évoqué un aspect très concret auquel tout formateur est aujourd’hui confronté : la remise en cause des évaluations des travaux hors murs. « Dans les risques de fracture suscités par cette technologie, figure un risque de méfiance délétère entre l’enseignant et l’élève » précise-t-elle. Un risque confirmé par Florie Brangé. « De nombreux articles de presses et d’articles scientifiques évoquent la possibilité d’entrer dans une ère de la suspicion, où chacun et chacune se demande à tout instant s’il lit une personne ou un texte provenant d’algorithmes et de statistiques probabilistes. Le lien de confiance entre enseignants et étudiants reste un impondérable à la mise en place d’une relation pédagogique de qualité qui favorisera un environnement propice aux apprentissages. Il est donc indispensable de pouvoir ouvrir le dialogue avec les étudiants sur ce qui est autorisé ou non selon la situation et les compétences à développer notamment ». Cette charte, en cours de finalisation, devrait être présentée et mise au vote lors d’un prochain conseil d’administration de l’école fin juin 2025. Une demi-journée ouverte à tous les enseignants et enseignants-chercheurs sur le sujet est par ailleurs prévue en juillet pour actualiser et harmoniser les plans de cours afin de préparer la rentrée 2025. Désormais incontournable, l’IA dans l’enseignement supérieur est un phénomène qu’il faut prendre à bras le corps car, dans cette affaire, le pire serait de ne rien faire !
1 Le Laboratoire Bordelais de Recherche en Informatique est une unité mixte de recherche du CNRS installée sur le domaine universitaire de Talence-Pessac-Gradignan. Ses tutelles sont l'Université Bordeaux, le CNRS INS2I et Bordeaux INP.
2 Porté par Mickael Temporão sur la thématique « Comment l'intégration des intelligences artificielles génératives (IAG) dans le cadre pédagogique influence-t-elle le développement des compétences étudiantes, et quelles pratiques responsables d'utilisation favorisent l'acquisition et le renforcement de compétences ? ».