Le rêve des jeunes de travailler à l’étranger a la vie dure. En 2018, 75% des 18-30 ans exprimaient déjà ce désir dans un sondage Opinionway. Cette appétence se vérifie encore aujourd’hui même si elle relève pour une partie d’entre eux d’un phénomène de mimétisme, d’un fantasme ou encore du syndrome qui veut que "l’herbe soit toujours plus verte ailleurs".
Pour autant, de nombreux étudiants envisagent sérieusement la question. Sciences Po Bordeaux le vérifie à chacune de ses journées portes ouvertes et lors de sa présence à des salons d’orientation où l’établissement détaille son offre de formation à l’international. Dans ce domaine, on ne pourra pas targuer l’école d’opportunisme. Pour preuve, la première filière intégrée binationale France-Allemagne de l’établissement date de 1997. Depuis, ce cursus original s’est développé puis intensifié. L’école compte à ce jour trois autres de ces filières : France-Espagne (Bordeaux-Madrid), France-Portugal (Bordeaux-Combria) et France-Caraïbe (Bordeaux-Schoelcher-Kingston), sans oublier les binational english programmes France-Hong-Kong et France-Italie. Toujours d’actualité, ces formations originales réunissent dans une même promotion des élèves de Sciences Po Bordeaux et leurs camarades issus d’universités partenaires localisées en Europe ou sur d’autres continents. La scolarité y est alternée, à raison d’une année à Bordeaux et l’autre à l’étranger.
Leur succès résulte de deux phénomènes convergents : l’engouement des étudiants pour des formations en immersion à l’étranger pour la moitié de leur scolarité d’un côté, les attentes des entreprises à vocation internationale qui apprécient les candidats dotés d’une culture bilatérale de l’autre. Nous ne serions pas complets sur les programmes internationaux de Sciences Po Bordeaux si nous n’évoquions pas ses parcours de master BIRD (Bordeaux International Relations Degree) et ses programmes franco-colombien et franco-canadien. Bien évidemment, ces cursus donnent accès à des métiers dans ou en lien avec les pays concernés. Mais pour celles et ceux qui aspirent à des formations ouvrant sur des emplois à travers tous les continents, d’autres parcours de master existent...
L’attrait du parcours de master Politique internationale
« Historiquement, le parcours Politique internationale a été conçu pour répondre à des enjeux autres que ceux liés à la coopération et au développement dans les pays du Sud » explique Gilles Bertrand, directeur des études du 2e cycle et responsable de cette formation. Ce cursus présente de fait deux visages. D’un côté, il a gardé en M1 son côté généraliste destiné à offrir une maîtrise des outils méthodologiques et des connaissances théoriques et pratiques indispensables à une meilleure analyse de la complexité et des évolutions en cours des relations internationales. De l’autre, il a vocation à former en M2 des décideurs, des chercheurs et des experts (veille, analyse, plaidoyer) en politique internationale dans les domaines de la sécurité, des conflits et des "biens publics mondiaux" et politiques publiques internationales (droits humains, migrations, …).« J’insiste bien sur ces deux dimensions car trop d’étudiants ont tendance à s’intéresser aux relations internationales sans avoir la moindre idée des débouchés professionnels potentiels ».
L’enseignant-chercheur, spécialiste de cette thématique, teste désormais la motivation des élèves qui aspirent à ce master en leur demandant d’effectuer un exercice de synthèse d’un article scientifique. « Cette mesure a eu pour effet de faire tomber mécaniquement le nombre de candidatures » confirme Gilles Bertrand, au fait à la fois des tensions internationales et de celles du marché de l’emploi dans ce secteur. « Il est contre-intuitif de penser que l’augmentation des conflits à travers le monde se traduit par la création de postes dans les relations internationales car, paradoxalement, les États investissent de moins en moins en la matière ».
Le responsable du parcours et ses nombreux intervenants professionnels tiennent à cet effet un discours de vérité aux élèves. « Une vie professionnelle dans les relations internationales implique une forte mobilité, souvent dans des zones difficiles hors Europe, et parfois même dans des pays en guerre. Elle nécessite du volontarisme et une certaine résistance physique, la capacité à s’adapter et à rebondir. Cette expérience s’acquiert sur le terrain en début de carrière, entre 25 et 35 ans en général. Après, c’est souvent trop tard ».
Les prérequis d’une formation qui ouvre sur de nombreux métiers à l’international
Mickaël Bazin, ancien élève de Sciences Po Bordeaux, tient le même discours. Diplômé en 2018, ce dernier a suivi les cours de Politique internationale et a profité d’opportunités professionnelles pour se spécialiser dans l’humanitaire, œuvrant depuis 8 ans en République centrafricaine, au Kenya et au Soudan. Dans son interview à lire ci-après, il évoque son parcours ainsi que les conseils qu’il délivre aux étudiants de ce parcours pour lequel il intervient en qualité de chargé de cours.
Parmi les compétences attendues, figure bien évidemment la pratique courante de la langue de Shakespeare. « Elle est d’autant plus indispensable que 80% de la littérature scientifique de la discipline est en anglais, au même titre que la majorité des entretiens d’embauche » ajoute Gilles Bertrand. Gaspard Antonin Darbon – lui aussi ancien élève de ce master – va même plus loin. « Les employeurs apprécient les profils polyglottes, a fortiori quand ceux-ci maîtrisent des langues rares » souligne l’intéressé, chargé de mission Nations unies au Département Nations unies et Affaires transverses de la Direction générale des relations internationales et de la stratégie du ministère des Armées. À travers son interview à lire ci-après, on mesure pleinement la diversité des employeurs possibles, de la diplomatie locale aux organisations internationales, en passant par les grandes entreprises privées et publiques, les ONG et certains ministères. « L’exigence de ces métiers ne supporte plus un investissement limité de la part des étudiants. Nous les poussons à travailler beaucoup, tant dans l’acquisition d’une culture internationale de bon niveau que dans la maîtrise de compétences spécifiques. Nous organisons ainsi des « simulations de négociations » pour les placer au plus près d’une situation professionnelle conclut le responsable du parcours Politique internationale ».
Le master Risque et développement aux Suds (RDS)
Le Master Risques et développement aux Suds résulte de la fusion de trois anciens parcours de master de l’école, fruits d’une longue tradition à Sciences Po Bordeaux de recherche et d’enseignement sur l’Afrique. Cette formation, largement basée sur les ressources de LAM* et sur son équipe d’enseignants-chercheurs, couvre un large spectre d’autres régions du monde, des pays du monde arabe et du Moyen-Orient à l’Amérique Latine en passant par l’Asie du Sud-Est. « Outre les compétences généralistes évoquées précédemment, ce cursus s’adresse à des étudiants désireux de travailler dans ou sur des zones en émergence, et qui ont une sensibilité affirmée pour l’environnement, la santé, les migrations, la croissance démographique et urbaine, la pauvreté ou encore les enjeux de sécurité » résume Quentin Chapus, enseignant-chercheur, responsable de « la mineure » Gestion des Risques en M2 (une « mineure » est une spécialisation au sein du parcours de master RDS). « Nous les formons à connaître ces régions du monde en leur apportant un socle pluridisciplinaire sur le plan historique, sociologique, économique et politique, ce qui sous-tend de déconstruire certains préjugés sur ces régions du monde ».
Ce socle de connaissances académiques s’accompagne de cours « professionnalisants ». En gestion des risques par exemple, un secteur émergent depuis plusieurs décennies, les élèves étudient des méthodes d’analyse probabiliste (systèmes de collecte de donnée quantitatives) et d’analyse qualitative. Le Master comporte en sus deux temps forts appréciés des promos. En M1, un travail de « risque pays » est organisé par équipe. En M2, une expertise projet réalisée à la demande d’un commanditaire réel des secteurs de la coopération publique, des ONG ou du secteur privé marchand, est orchestrée. Autant de cas pratiques qui s’ajoutent à des connaissances empiriques et théoriques sur les pays du Sud, le tout accompagné d’une spécialisation régionale au choix des étudiants. « Selon le choix de leur mineure de spécialisation, nos étudiants ont différentes options de carrière. Certains vont plutôt s’orienter vers les acteurs privés, type entreprises, cabinets de conseil ou alors dans les banques de développement. D’autres choisissent plutôt des carrières publiques, dans la diplomatie ou la coopération décentralisée. La voie majoritaire aujourd’hui reste toutefois celles et ceux qui s’engagent dans l’urgence humanitaire ou auprès d’une ONG » conclut Quentin Chapus.
Une chose est sûre : les étudiants qui s’orientent vers les métiers de l’international à Sciences Po Bordeaux le font rarement par hasard !
*LAM ou Les Afriques dans la Monde est une unité mixte de recherche du CNRS (section 40 du Comité national) et de Sciences Po Bordeaux.