Un prisme extérieur utile
Comment expliquez-vous la longévité du partenariat entre l’agence d’urbanisme Bordeaux Aquitaine (a’urba) et le dispositif pédagogique « les projets collectifs » de Sciences Po Bordeaux et l’ensapBx ?
La relation est historique puisqu’elle remonte peu ou prou à la mise en place de ce dispositif. Elle s’inscrit dans les relations étroites que nous entretenons avec ses deux écoles et leur équipe pédagogique respective. En tant qu’agence d’urbanisme, nous devons à la fois éclairer les politiques publiques en termes de stratégie de développement des territoires et explorer des dynamiques socio-économiques et spatiales. On retrouve de fait dans nos équipes des profils Sciences Po et des architectes. Les interactions sont par ailleurs multiples entre notre agence et ces deux établissements : accueil des nouvelles promotions chaque année, recrutement de stagiaires, contribution d’enseignants-chercheurs à notre revue Cahiers de la Métropole Bordelaise (CaMBo), interventions lors de nos événements et réciproquement, etc.
De quelle nature sont les commandes que vous passez aux étudiants de ces projets collectifs et quel regard portez-vous sur leurs prestations ?
Je peux témoigner depuis 2018 – date de mon arrivée au sein de l’a-urba - de l’intérêt de ce dispositif. Les travaux réalisés alimentent nos études et nous permettent de faire un pas de côté grâce à ce prisme extérieur bénéfique. Ponctuellement, ils participent à enrichir nos diagnostics, nos réflexions ou nos recommandations. Sur la durée, ils contribuent à défricher de nouveaux sujets ou à expérimenter grâce à cette façon originale de collaborer. Nous trouvons les étudiants sérieux et assez professionnels dans leur approche, ce qui s’entend puisque le travail s’inscrit dans le cadre d’une convention de partenariat. Nous avons donc logiquement une certaine exigence en termes de qualité des rendus, ce à quoi leurs tuteurs font très attention. Cette posture de commanditaire nous oblige par ailleurs à être précis quant à nos attendus et au respect d’un calendrier. Pour autant, nous n’oublions pas la dimension pédagogique de la démarche et profitons de ces missions pour leur donner des contacts et des conseils.
Au-delà d’une mise en situation réelle, qu’est-ce que ces projets collectifs apportent aux étudiants selon vous ?
Les travaux que nous leur confions sont en phase avec des thématiques fortes de l’actualité de l’urbanisme : la ville recyclable, la santé, la sobriété foncière, le bien-être territorial, etc. Les sujets leur permettent une immersion locale assez poussée, à l’instar d’une étude qui portait sur les évolutions de la médecine de ville et des lieux de soins sur le territoire. Plus globalement, les étudiants s’imprègnent également des données que nous leur partageons et de nos méthodes de travail. Ils mesurent de façon concrète combien la transition écologique est au cœur de tous nos projets, ou encore comment la métropole dialogue avec ses voisins périurbains et ruraux. L’imbrication des acteurs et des problématiques d’urbanisme et leur interdépendance sont telles qu’il faut impérativement une vision plurielle des choses, comme le fait très justement le dispositif des projets collectifs.
¹ Diplômée Sciences Po Bordeaux 1992
Je me suis acculturé au monde de l'architecture
Quel a été votre parcours depuis l’obtention de votre master Stratégies et Gouvernances métropolitaines à Sciences Po Bordeaux en 2017 ?
J’ai effectué mon stage de fin d’études chez Aquitanis à Bordeaux avec pour mission de participer au développement de nouvelles opérations. Cette branche d’activité au sein de l’Office public de l’habitat de Bordeaux Métropole m’a beaucoup plu, avec un poste très formateur. J’ai eu dans la foulée l’opportunité d’intégrer l’entreprise dès l’été 2017, en qualité de chargé d’opération et de développement. Quelques mois plus tard, on m’a proposé d’adjoindre à cette fonction des missions d’aménagement urbain, une autre des prérogatives d’Aquitanis à l’échelle d’un quartier. J’ai notamment œuvré à l’opération Bastide Niel rive droite de Bordeaux pendant quatre ans. En 2021, j’ai été nommé chef de projet aménagement à plein temps avec la prise en charge d’une opération supplémentaire, celle de l’aménagement du centre-ville d’Ambarès-Lagrave.
Quelle appréciation portez-vous sur votre formation ?
Je fais partie de l’aventure des premiers diplômés du master qui a débuté en 2015. Je parle d’aventure car, sans recul, on se demandait à l’époque si ce parcours de master Stratégies et Gouvernances métropolitaines – intéressant dans son contenu pédagogique – déboucherait sur un horizon professionnel satisfaisant. Sauf erreur de ma part, tous les étudiant(e)s de la promo ont réussi leur insertion sur le marché de l’emploi. On le doit à une formation qui, dès le départ, a eu l’idée géniale de mixer des cours thématisés et un principe d’atelier avec les projets collectifs. C’est une réelle plus-value de ce master.
Pourquoi ce principe de projets collectifs est-il si pertinent selon vous ?
J’ai eu personnellement la chance d’en faire deux. Le premier portait sur l’émergence d’un tiers-lieu sur la cuisine locale dans le quartier de Brazza pour la ville de Bordeaux. Le second concernait les possibilités de mutation de zones pavillonnaires du territoire pour l’agence a’urba. Je me suis acculturé au monde des architectures à ces occasions. J’ai pris conscience de l’intérêt de disposer d’une lecture différente et complémentaire des enjeux d’urbanisme. Ce n’était pas évident au départ des projets collectifs car on avait l’impression de ne pas parler la même langue que les étudiants de l’ENSAP Bordeaux. Pour caricaturer, je dirai que nous étions plutôt dans une approche rédactionnelle et eux dans une approche plutôt graphique. On a d’ailleurs passé quelques nuits à plancher sur les projets pour bien s’entendre ! Mais à l’arrivée, cela a été très salutaire. Ces expériences m’ont permis très vite d’appréhender et de parfaire ma collaboration avec cette profession avec qui je travaille désormais régulièrement et de manière très efficace.
Un regard neuf et frais
En quoi consiste votre mission et pourquoi faire appel à des projets collectifs Sciences Po Bordeaux – Ensap Bordeaux ?
Je travaille à la Mission Démocratie Permanente rattachée à la Direction Générale de la Proximité et des Relations avec la Population. L’objectif de la Ville de Bordeaux est d’impliquer de plus en plus les habitants et les usagers dans les politiques publiques à travers un grand nombre d’actions et de dispositifs, dont le budget participatif, les conseils de quartier, les ateliers participatifs, le Grand dialogue, l’Observatoire de la Démocratie Permanente. Je peux également citer la Tournée de la démocratie permanente qui consiste à aller au-devant des citoyens dans les quartiers pour lancer la discussion sur une thématique annuelle, celle de 2025 portant justement sur le projet urbain de Bordeaux. Dans ce cadre général, nous avons effectivement commandé deux projets collectifs portés par Sciences Po Bordeaux et l’ENSAP Bordeaux. Notre motivation première est de bénéficier de l’apport d’étudiants qui ont des profils complémentaires, nous permettant ainsi d’enrichir les projets que nous menons.
Quels types de projets leur avez-vous confiés ?
Nous les avons sollicités en 2023 dans le cadre du Grand dialogue sur le thème de l’urgence climatique. Les élèves concernés ont travaillé sur la réalisation d’un atlas des risques climatiques sur la métropole de Bordeaux, des portraits d’acteurs porteurs d’initiative locales ainsi qu’une étude pour une meilleure intégration spatiale du Parlement mobile, une agora en bois installée au printemps dans les quartiers le temps d’une journée. Cette année, le projet collectif confié à Sciences Po Bordeaux / ENSAP Bordeaux par la Mission Démocratie Permanente porte sur trois démarches participatives de projets urbains aux échelles distinctes. Une première concerne une étude de la rue Frère aux Chartrons à Bordeaux, via notamment la réalisation d’un diagnostic en marchant impliquant fortement les habitants. Une seconde porte sur le projet du jardin Galin dans le quartier Bastide. Les étudiants nous ont accompagnés toute l’année, ce qui leur permet de participer activement à la démarche globale : organisation de tables-rondes lors d’une réunion publique, atelier avec les élèves du collège voisin avec création d’une maquette interactive, etc. Enfin, la troisième concerne le lancement d’une réflexion autour du réaménagement de la place Saint-Augustin à Bordeaux.
Que retenez-vous de ces collaborations ?
J’apprécie tout d’abord l’implication des étudiants par rapport au programme que je définis pour l’année en lien avec les chefs de projets concernés et qui se traduit par une réunion mensuelle, des visites de terrain et la remise d’un dossier intermédiaire en juin et son rendu final en décembre. Leur contribution nous offre ensuite un regard neuf et une bouffée d’air frais. Leur distanciation les amène à faire des propositions qui, même si elles se heurtent parfois à des contraintes budgétaires, juridiques ou techniques, sont toujours inspirantes. L’expérience est à ce titre enrichissante pour eux car ils se confrontent à des dossiers réels.