06 novembre 2025|Vivre ensemble

De nouveaux dispositifs de lutte contre les violences sexistes et sexuelles (VSS)

En réponse au mouvement de libération des paroles au sein de l’institut en 2021, Sciences Po Bordeaux a développé un ensemble d’actions de prévention et de sensibilisation de lutte contre ce fléau. La démarche s’intensifie et se traduit par de nouveaux dispositifs déjà en place ou à venir.

Sciences Po Bordeaux prenant conscience de l’intensité des VSS dans son environnement et, en prenant appui sur un mouvement associatif très actif et collaboratif, a mis en œuvre de nombreuses mesures préventives et répressives pour restaurer un environnement de qualité et libre de toute pression et harcèlement. En réponse au mouvement de libération des paroles au sein de l’institut en 2021, Sciences Po Bordeaux a développé un ensemble d’actions de prévention et de sensibilisation de lutte contre ce fléau. La démarche s’intensifie et se traduit par de nouveaux dispositifs déjà en place ou à venir.

La Cellule de Veille et d’Écoute de Sciences Po Bordeaux a recensé 15 signalements relatifs à des faits de VSS lors de la précédente année universitaire 2024-2025. On entend par cette terminologie la dénonciation par un·e étudiant·e d’un fait qu’il ou qu’elle classe dans cette catégorie. L’information est transmise par le biais d’une plateforme de signalement accessible via l’environnement numérique de travail de l’école (avec anonymat possible) ou une adresse mail dédiée. « Notre rôle est d’organiser, de faciliter et d’accompagner le recueil de la parole des victimes, quel que soit le profil de la personne mise en cause. Il peut s’agir d’une personne extérieure à l’institut ou l’un de ses membres : autre élève, enseignant·e, chercheur·euse ou personnel administratif » soulignent d’une même voix Floriane Reilhan, conseillère de prévention, et Alexis Lemaire-Patin, chargé de mission égalité de genre, lutte contre les violences et les discriminations.

Un travail d’écoute, de conseil et d’orientation des victimes est alors engagé lorsque celles-ci s’identifient puis acceptent un entretien confidentiel. « Cet échange est toujours réalisé par deux personnes de notre Cellule de Veille et d’Écoute et donne lieu à un compte rendu validé par l’intéressé·e. Si celle-ci le souhaite et l’autorise, le dossier est transmis à la direction, seule habilitée à donner une suite au dossier. Nous n’avons pour notre part ni à qualifier les faits ni à mener une mission d’enquête, et encore moins à juger le ressenti de la personne en face de nous » précisent Floriane Reilhan et Alexis Lemaire-Patin, formés spécifiquement à ce type de situation. L’occasion de saluer l’action de cette Cellule de Veille et d’Écoute née en 2018 qui comprend également une psychologue (Laetitia Hippeau), un juriste acheteur public (Louis Lacaze) et, depuis 2025, une enseignante (Aurélie Brasseur). Soit un éventail de compétences et de profils en capacité d’informer les élèves concernés mais aussi de les orienter si nécessaire. Ce service dresse chaque année un bilan de tous les signalements retenus. L’analyse dépasse le cas spécifique des VSS, partant du principe que tout conflit relationnel, mal-être, épuisement ou idées suicidaires, comportements et propos inappropriés ou encore violence ou menace physique ou verbale au sein de l’établissement se doit d’être entendu, écouté et analysé par l’école, avec le cas échéant la mise en place de mesures préventives ou correctives.

Retour sur la genèse d’un phénomène mondial

Sciences Po Bordeaux, comme tous les établissements d’enseignement supérieur, a été touché par le phénomène MeToo qui a permis la libération de la parole de millions de femmes. Né en 2006, le hashtag #MeToo est créé par l’Afro-Américaine Tarana Burke pour aider les femmes victimes de violences sexuelles et appartenant à des minorités. Mais ce n’est qu’en 2017 que le phénomène prend l’ampleur qu’on lui connaît suite aux révélations du New York Times sur les accusations de harcèlement sexuel portées contre le producteur hollywoodien Harvey Weinstein. Au fil des années, le mouvement a évolué au-delà de la dénonciation individuelle pour inclure une revendication plus large contre les violences sexistes, poussant les organisations à se structurer pour répondre aux attentes légitimes des un·es et des autres.

En lien avec ces évolutions sociétales, la communauté étudiante de l’établissement s’est mobilisée depuis 2021 pour dénoncer des faits relatifs à des violences sexistes et sexuelles, commis par d’autres usagers ou par des personnes extérieures à l’établissement. Un groupe de travail avait alors été constitué, rassemblant des agents et des étudiantes de l’établissement, pour identifier les actions à mettre en place. L’établissement a tenu à la fois un discours clair sur le sujet et mis en place de façon concertée des dispositifs qui sont montés en puissance au fil des années. Retenons pour preuve chaque année lors des sessions inaugurales, les messages de « zéro tolérance » prononcés par les directeurs de Sciences Po Bordeaux, qui ont eu à gérer cette question et le rappel des principales initiatives mises en œuvre par l’établissement depuis 8 ans, synthétisées dans la présentation graphique consultable à la fin de ce dossier. Est-ce suffisant ? En réponse à cette question, Sciences Po Bordeaux revendique une volonté partagée par toute sa communauté : celle de faire mieux encore ! À ce titre, l’institut déploie depuis des années une stratégie de prévention des VSS qui se traduit par une série d’actions.

Un important travail d’information et de sensibilisation

Parmi les premiers outils créés, on recense un guide de l’établissement qui a laissé la place en 2023 à un support d’information plus étoffé réalisé par les 9 Sciences Po en région avec le soutien du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Ce document baptisé « VSS, comment réagir ? » est remis à chaque nouvel élève en début d’année. Celui-ci explique le périmètre de ce type de violences, donne des conseils pratiques tant pour les victimes et les témoins que pour les personnes alertées ; il précise le rôle et les responsabilités des établissements, informe sur les différentes procédures et liste des contacts utiles. Mais il est vite apparu qu’il fallait aussi sensibiliser directement les primo-entrants de l’institut. Un dispositif a été lancé dès 2021 à cet effet. Celui-ci a évolué à la rentrée 2023-2024 pour devenir obligatoire pour les élèves de 1re année, ainsi que pour les élèves de 4e année primo-entrants. L’année universitaire suivante, il se matérialise par la tenue d’un atelier de 1h30 type conférence de méthode et la réalisation pour chaque élève d’un module de travail en ligne donnant lieu à des crédits ECTS.

Les témoignages de deux élèves interviewés à l’occasion de ces ateliers mettent en évidence des observations vérifiées par ailleurs (lire les interviews en bas de page). Ces deux étudiant·es ont été sensibles par ailleurs à la forme de l’intervention, appréciant tout particulièrement son interactivité et sa capacité à démontrer l’extrême acuité du sujet. Enfin, elle et il ont confirmé que les dispositifs mis en place en partenariat avec les associations de l’école étaient connus et visibles lors de soirées étudiantes notamment. Sciences Po Bordeaux a en effet modifié le règlement de la vie associative avec l’obligation de mettre en place des référents éthiques et VSS au sein des structures. Pour cela, des formations à la lutte contre les VSS sont organisées en interne. Au-delà des rendez-vous festifs organisés par ces associations, la vigilance porte aussi sur des événements plus larges, comme des rencontres inter Sciences Po par exemple.

Un éventail d’actions en cours ou en préparation

D’autres actions plus ponctuelles sont mises en place pour toucher tous les publics, comme l’affichage d’un « violentomètre »1 dans l’établissement ou encore la diffusion de l’exposition « Que portais-tu »2 organisée par les Étudiantes Relais Santé Internes de l’établissement en 2024. Deux pièces de théâtre - l’une sur l’instrumentalisation du corps des femmes au cours des siècles et l’autre sur le stéréotype de genre - ont été également programmées, pour les étudiants comme pour le personnel. Des goûters prévention à destination des personnels ont aussi été mis sur pied pour évoquer dans une ambiance différente le sujet. « Nous multiplions les canaux de communication pour toucher tous les publics, en sachant que la difficulté réside dans la mobilisation de celles et ceux qui ne se sentent pas forcément concernés. C’est un travail de longue haleine » souligne Alexis Lemaire-Patin.

Le recrutement en 2023 de ce chargé de mission Égalité de genres, lutte contre les violences et les discriminations, Référent handicap atteste de la volonté de l’établissement de continuer d’agir et d’intensifier son travail au long cours. Un constat partagé par Céline Thiriot, directrice des études pour le 1er cycle. « J’observe que les actions à destination des étudiants sont connues, notamment des premières années car il est indispensable de sensibiliser ce public le plus tôt possible. Le fait d’avoir étoffé l’équipe de la Cellule de Veille et d’Écoute et de bénéficier d’une personne dédiée disponible pour accompagner les victimes de VSS est essentiel ». Cette dernière est aussi consciente de l’enjeu pour ses collègues enseignants/chercheurs et le personnel administratif de se saisir de cette question de façon plus concrète encore. Une réflexion est d’ailleurs en cours sur le sujet afin de les aider à mieux se saisir de ces enjeux. Sciences Po Bordeaux avance également sur la démarche consistant à faire de l’établissement un lieu ressource du dispositif « demandez Angela » de protection contre le harcèlement sexiste et sexuel de rue.

Création d’un organe consultatif

Afin de renforcer la prévention et le traitement des VSS au sein de Sciences Po Bordeaux, la création d’un organe consultatif dédié a ainsi été décidée en cette rentrée universitaire 2025-2026. En l’absence de cadre légal spécifique prévu par le Code de l’éducation pour ce type d’instance, l’école a défini son rôle et ses attributions. Sur sollicitation des parties prenantes, son objet est d’apporter des avis sur des situations où des étudiant·es de l’établissement seraient mis·es en cause dans une situation de VSS. Constitué de deux étudiants, deux membres du personnel enseignant et de recherche, et d’un membre du personnel administratif, elle a été mise en place en cette rentrée. Un règlement définit plus largement son fonctionnement.

Ainsi donc, de son organisation à ses actions, Sciences Po Bordeaux se mobilise dans sa lutte contre les VSS en ayant conscience qu’en la matière, il reste encore beaucoup à faire... L’information et la prévention restent des priorités absolues.

1 Exposition créée en 2013 aux USA et adaptée ultérieurement, dans de nombreux établissements, dont Sciences Po Bordeaux. Celle-ci présente les récits de femmes victimes de viols en partant de la tenue qu’elles portaient lorsque ce crime est intervenu

2 Outil d'auto-évaluation de la dimension violente d’une situation 

Interviews

Lou Lambert, étudiante de première année

« Je n’avais jamais été avertie de cette façon-là »

As-tu déjà été victime ou témoin d’une VSS et qu’as-tu pensé de l’atelier organisé par l’école sur cette thématique ?

Je n’ai pas été victime de tels agissements mais j’en ai été témoin. J’ai assisté une amie qui a souffert d’une relation toxique. Je l’ai écoutée et j’ai aussi discuté avec la personne qui avait une emprise sur elle et que je connaissais. Dans ce premier cas, j’ai eu le sentiment d’être utile. J’ai vécu une autre situation du même ordre dans ma sphère familiale mais, cette fois-ci, j’ai éprouvé le sentiment d’être démunie car le risque était de blesser la personne en cas d’intervention et de la voir s’éloigner. J’ai vraiment touché du doigt la complexité de tels faits. Quant à l’atelier, il m’a permis de mettre un nom sur ce type de violence car je ne connaissais pas le terme de VSS. 

Qu’as-tu appris de cet atelier ?

J’ai trouvé assez fou qu’à notre âge, nous puissions avoir des perceptions différentes sur certaines situations présentées. C’est d’ailleurs le principal intérêt de cet atelier : pouvoir débattre de chaque cas de figure sans tabou et sans filtre sur des sujets aussi intimes que la sexualité par exemple. Personnellement, j’ai été gênée par le fait de devoir « noter l’intensité du risque » des cas de figure résumés très sommairement car on voit bien combien il faut se nourrir du contexte précis pour pouvoir porter un jugement. Rien que le fait de savoir que le consentement est réversible – autrement dit pouvoir dire « oui » à un moment puis « non » quelques minutes après – montre combien il faut être prudent et conscient des nuances. J’ai appris que les violences psychologiques pouvaient être qualifiées de VSS alors que je les aurai catégorisées dans le harcèlement. Si j’avais une critique constructive à faire, ce serait aussi d’aborder le comportement des mis en cause et leur manière d’agir. Pour en avoir parlé avec la psychologue présente, cela n’a pas été fait faute de temps.

As-tu le sentiment que Sciences Po Bordeaux traite cette question de manière satisfaisante ?

Je suis très satisfaite car, personnellement, je n’avais jamais été avertie dans ma vie scolaire comme le fait l’école. L’obligation d’être présent(e) aux ateliers et de réaliser un « dossier » sur le sujet évite que des élèves échappent à cette sensibilisation. J’apprécie aussi la présence dans les soirées étudiantes de référents VSS identifiés par un tee-shirt, ainsi que la mise en place de « safe zone » où l’on peut se rendre, qu’on soit victime ou témoin. J’avoue que tous ces dispositifs me rassurent.

Paul, étudiant de première année

« La lutte contre les VSS passe par l’éducation »

As-tu déjà été victime ou témoin d’une VSS et qu’as-tu pensé de l’atelier organisé par l’école sur cette thématique ?

Non, je n’ai jamais été confronté directement ou indirectement à une telle situation. Pour autant, je connaissais ce sujet dans les grandes lignes. L’atelier a été très intéressant pour approfondir cette thématique qui est à la fois importante et présente dans nos vies. J’ai apprécié que l’animation soit vivante et qu’elle se différencie totalement d’une conférence théorique. L’interaction avec la classe, à base de saynètes notamment, a permis de laisser à chacune et chacun la possibilité de s’exprimer. L’alternance entre des cas pratiques et des mises en situation où nous avons été sollicités en tant qu’acteurs est pertinente car elle permet d’aborder de nombreux aspects des VSS. J’ai bien aimé aussi les intervenants qui, par leur sérénité, ont permis de poser le débat sur de bonnes bases.

Qu’as-tu appris de cet atelier ?

J’ai pris conscience que les situations présentées peuvent arriver dans la vie de tous les jours et devenir des VSS si on n’y prête pas attention. Je pense que cet atelier va nous rendre plus vigilants et, en cas de risques, plus réactifs. J’ai aussi noté combien la question du consentement soulevait des questionnements, notamment dans son application pour les victimes. Nous avons aussi développé notre culture juridique sur ce thème.

As-tu le sentiment que Sciences Po Bordeaux traite cette question de manière satisfaisante ?

Cela ne fait pas longtemps que je suis dans l’école mais je pense que Sciences Po Bordeaux s’intéresse au sujet, ce qui n’est pas le cas de tous les établissements. Je n’ai jamais été personnellement informé au collège ou au lycée sur les VSS comme je le suis au sein de l’Institut. Outre cet atelier, j’ai vu dans les soirées étudiantes qu’il y avait systématiquement des élèves référents en la matière, et qu’on pouvait prendre contact avec eux. J’ai noté aussi que ce sujet revenait systématiquement dans les programmes des organisations syndicales étudiantes. Je sais par ailleurs que la Cellule de Veille et d’Écoute met des moyens à disposition des victimes. L’éducation reste à mon sens le meilleur moyen pour lutter efficacement contre les VSS.

Bilan 2019-2025

Prévention et traitement des VSS