21 février 2022|Formation

Reprise des Vocational Projects

Mis en place par le Service Carrières et Partenariats en 2019, les Vocational Projects ont repris début janvier. Destinés aux élèves de troisième année - année charnière en termes d’orientation - cette initiative a été lancée pour les aiguiller dans leur futur parcours professionnel. Elle les aide, par la même occasion, à mûrir leur choix de master.

Une méthode réflexive et collaborative

Organisés en trois sessions de deux heures réparties pendant l’année, les Vocational Projects répondent à une méthode élaborée par Isabelle Liotta, coach en orientation et carrière et professeure à l’École des Mines. La « co-orientation » s’inscrit dans une dynamique de groupe rapide et opérationnelle, qui permet d’accompagner les élèves dans la recherche de leur « job de rêve ».

Face à des étudiants parfois démunis devant le choix engageant du parcours de quatrième année, Laetitia Hippeau, psychologue du travail et de l’orientation au sein de Sciences Po Bordeaux, assume la coordination de cette action. « Les élèves de Sciences Po Bordeaux présentent bien souvent des caractéristiques typiques : ils sont curieux, intéressés par plusieurs matières et pas vraiment pressés de se positionner. En leur donnant le temps d’apprendre à se connaître, le parcours pluridisciplinaire de l’école leur correspond. Mais on les sent dès lors extrêmement anxieux à l’approche du choix d’orientation qui a lieu en troisième année. Parallèlement, on constate qu’ils n’ont pas l’habitude d’échanger entre eux sur le sujet. C’est dans ce contexte, qu’on propose les Vocational Projects ». À noter que ce dispositif, qui favorise l’égal accès aux différents métiers entre les femmes et les hommes, a été financé par le programme européen SAGE (Systemic Action for Gender Equality).

Portée par les retours enthousiastes des élèves, la troisième édition de cette initiative continue de s’inscrire dans un axe collectif, en permettant aux participants de réfléchir ensemble à leur avenir professionnel. La méthode vise en effet à favoriser une démarche participative. Au cœur des Vocational Projects, un principe fondateur : en aidant les autres à s’orienter, on s’aide soi-même.

Plus concrètement, ces trois séances, comptant en général 8 participants et un animateur, abordent, chacune d’entre elles, une thématique particulière. Ainsi, le premier module introduit le cycle en mettant l’accent sur les aspirations et les valeurs des étudiants. Ces derniers ont chacun à disposition une grande feuille accrochée au mur et une consigne : représenter en dessin une ou des « situations de rêve ». Une animatrice des Vocational Projects raconte : « on remarque très vite que les élèves ont besoin d’intégrer du rationnel dans l’exercice. Une situation de rêve, oui, mais dans combien de temps ? 5 ans ? 10 ans ? À Sciences Po Bordeaux ou à dans la vie personnelle ? ». Si l’originalité de l’exercice déstabilise souvent les groupes, le procédé est en fait rôdé. « C’est pourtant notre objectif de les laisser réfléchir seuls, un temps, en tête à tête avec leur inconscient ».

Une seconde consigne vient compléter l’exercice illustratif : indiquer, sur deux colonnes, cinq verbes décrivant ce qu’ils aiment et cinq autres verbes exprimant ce qu’ils n’aiment pas. En cas de page blanche, les étudiants peuvent évidemment compter sur la bienveillance et les conseils des accompagnants de sessions.

Bénéficier du miroir du groupe

Une fois les travaux individuels réalisés s’ensuit un moment de restitution devant le groupe. Un cap parfois difficile pour certains, frileux à l’idée de se livrer devant leurs camarades de promotion. Une réaction régulièrement constatée par l’animatrice : « cet exercice les sort de leur zone de confort. J’ai fait face à des personnalités très différentes. Parfois des introvertis, et parfois tout le contraire. Je pense par exemple à cette élève très sociable, avenante, qui a décidé de se lancer en premier. Elle a permis d’apporter une impulsion au groupe ainsi qu’une très bonne énergie. Elle a clairement contribué à la dynamique de l’atelier ». 

Car progressivement, une synergie se crée au sein du module. Et c’est là tout l’intérêt du concept de « co-orientation » ; passé le moment de reconstitution de l’élève (géré par un maître du temps) et du temps d’écoute pour ses camarades, vient celui des questions. Chaque participant est invité à commenter l’exposé, en y ajoutant ses propres réflexions voire même, d’autres pistes de questionnement. Une boucle bouclée : en partageant ses rêves et les représentations des métiers qu’il envisage, l’étudiant s’enrichit de l’échange avec ses camarades, et vice-versa.

Organisée dans la foulée de la première, la deuxième séance approfondit les réflexions émergeantes du début de cycle. Cette fois-ci, les étudiants sont incités à choisir 11 métiers qui les intéressent (cinq en lien avec le cursus de Sciences Po Bordeaux, cinq autres sans lien avec l’école et un dernier, identifié comme le « métier » rêvé). La liste est ensuite agrémentée d’une note sur 10 accompagnant chaque métier, censée représenter le plaisir que l’élève aurait à l’exercer, mais aussi sa faisabilité et son accessibilité.  

L’atelier se déroule selon le même schéma que le précédent : réflexion individuelle, restitution, remarques et questions, puis synthèse finale du participant. Une séance particulièrement appréciée des animateurs, dont l’un d’eux témoigne : « les barrières commencent à tomber et les potentiels blocages se lèvent peu à peu. Les élèves, très à l’écoute les uns des autres, provoquent des réflexions que leurs camarades n’auraient pas forcément osé se poser seuls ».

La seconde session se termine sur une mission concrète, à accomplir par toutes et toutes pour le troisième et dernier atelier : réaliser trois à cinq interviews de professionnels exerçant les métiers privilégiés par chacun. Un travail conséquent nécessitant du temps (trois mois sont donnés aux élèves) mais également des ressources. Les étudiants peuvent dès lors compter sur les outils mis à disposition par le Service Carrières et Partenariats, comme le réseau de Sciences Po Bordeaux, l’annuaire des anciens, les vidéos  In Expeditions ou encore, le rendez-vous annuel des Rencontres Carrières.

Se confronter au réel

C’est début janvier que se tient le dernier atelier, pendant lequel étudiantes et étudiants restituent leurs interviews. Une étape clé du processus enclenché depuis septembre, explique Laëtitia Hippeau : « On leur demande d’aller chercher des informations directement auprès des professionnels. Cela leur permet de débuter une démarche réseau, et parfois même, de poursuivre sur un stage. En se confrontant directement aux métiers qui les intéressent, qu’ils peuvent parfois idéaliser, ils font face à la réalité : une expérience qui peut leur ouvrir d’autres horizons ». L’étape des enquêtes terrain est aussi l’occasion pour certain de se rassurer, quant à la suite de leur parcours. En côtoyant des profils parfois « hors-norme », les élèves prennent effectivement conscience de la diversité des chemins possibles pour accéder à une carrière. Une nouvelle sérénité qui désacralise aussi le choix du master. 

Fidèle au leitmotiv de la co-orientation, la restitution des entretiens réseau se poursuit sur un axe collaboratif. L’occasion d’échanger sur les critères qui comptent le plus dans le choix d’une voie professionnelle, voire de les hiérarchiser. Dans ce cadre, l’expérience des Vocational Projects met en lumière l’importance grandissante de l’équilibre professionnel-personnel dans les ambitions des élèves. À noter également : la volonté pour une grande majorité d’entre eux d’exploiter le filon international de leurs études, en misant sur des postes à l’étranger, ou en exigeant, au moins, de pratiquer une langue étrangère.

La troisième séance vient clore un cycle de réflexion graduelle. Pour Laetitia Hippeau : « à la fin de l’expérience, on sent que le cheminement est abouti. Les élèves comprennent tout l’intérêt du processus, tant de co-orientation que de retour sur soi ». Une introspection gagnante, pour des groupes dont la complémentarité des personnalités se révèle, à coup sûr, enrichissante. Le projet s’inscrit aussi comme une introduction à un travail de recherche plus abouti pour les étudiants, qui ont bien souvent envie de renouveler l’expérience. Enfin, si les trois ateliers ont le mérite de créer un esprit d’équipe et de solidarité entre élèves, ils s’avèrent par ailleurs utiles dans l’intégration des primo-entrants au sein de leur nouvelle promotion.

On observe également que l‘impact positif des Vocational Projects se déploie au-delà de la sphère étudiante. Cette année, une trentaine d’animateurs et animatrices ont en effet participé à l’encadrement des ateliers. Si certains d’entre eux ont été recrutés parmi les élèves de second cycle (qui peuvent alors s’épanouir au sein d’une mission de transmission), d’autres sont membres du personnel administratif. Une expérience qui s’est avérée fructueuse de ce côté, comme le confie l’une des animatrices : « l’animation des ateliers de co-orientation me permet d’avoir une connexion directe avec les élèves. En tant que membre du personnel, j’ai la possibilité de les côtoyer sous un angle différent de celui rattaché à ma casquette administrative ». Pari gagné, donc, pour ces Vocational Projects fédérateurs, dont la transversalité et les bénéfices semblent parler à toutes et à tous.