10 novembre 2022|Événements & culture

Rencontres Sciences Po / Sud Ouest : l’élevage est-il forcément synonyme de maltraitance  ?

Face-à-face dans le cadre des Rencontres Sciences Po/Sud Ouest, ce jeudi, à 18 heures, à la Station Ausone autour de la cause animale, avec Jocelyne Porcher, ex-éleveuse, sociologue et directrice de recherches à l’INRAE et Corine Pelluchon, philosophe, spécialiste de philosophie morale et politique et d’éthique appliquée.

Il sera question de cause animale ce jeudi aux Rencontres Sciences Po/»Sud Ouest », à la station Ausone. De nos rapports aux animaux et de cette question que le véganisme a glissée sur la table et qui peut rendre la bouchée indigeste : avons-nous le droit de tuer les animaux ? Une question qui est au centre du livre « Pour l’amour des bêtes » paru en octobre dernier aux Éditions Mialet Barrault. Ici, on ne se raconte pas d’histoires mais on confronte des points de vue philosophiques et sociologiques. Car l’opus n’est autre qu’un échange épistolaire dans les règles de l’art et avec les formules de politesse de circonstance, entre Corine Pelluchon, philosophe spécialisée dans l’éthique appliquée à la médecine, à l’environnement et aux animaux, et professeur à l’université Gustave Eiffel et Jocelyne Porcher, ex-éleveuse, aujourd’hui sociologue, zootechnicienne et directrice de recherches à l’INRAE.

Corine Pelluchon et Jocelyne Porcher seront ce soir à Bordeaux face aux étudiants de Sciences Po. Si elles partagent la conviction qu’il faut mettre un terme à l’élevage industriel capitalistique tel qu’il est pratiqué depuis des décennies et opter pour une transformation profonde des modes de production, elles trouvent bien plus de matière à s’opposer sur d’autres fronts. À commencer par la notion même de bien-être animal, considéré par Jocelyne Porcher comme le « côté pile » de l’industrialisation et un prétexte pour la faire perdurer, tandis que son interlocutrice voit dans cette quête un outil pour faire bouger les lignes et bannir les cages des élevages de poules ou celles des lions dans les cirques. Autre point d’achoppement poli : l’association L214, outil de propagande pour l’une, acteur nécessaire pour dénoncer ce que le consommateur ne voit pas, pour l’autre.

La fin de l’exploitation animale

L’essentiel du désaccord tenant à l’utilité même de l’élevage et de son ultime issue : la mort de l’animal. Pour Corine Pelluchon, végane assumée, la mise à mort de l’animal d’élevage est une « aberration » qui n’est pas strictement nécessaire à notre santé ni à notre alimentation quand sa correspondante épistolaire fonde le lien entre l’éleveur et l’animal sur une relation de travail. Relation dans laquelle « le travail de la brebis vise à procurer un revenu qui permette à la relation perdurer », et donc « si des animaux naissent, il faut que des animaux partent… »

La philosophe voit en la fin de l’exploitation animale un horizon et « le signe d’un progrès moral », quand Jocelyne Porcher qui défend les fermes familiales reste convaincue que « la transition écologique n’existera pas sans élevage ». Deux résonances sur la cause animale bien différentes qui n’excluent pas de travailler ensemble. Les deux intellectuelles en appellent à des alliances au moins pour sortir de l’élevage industriel et de ses pratiques cruelles et « inanimales ». Comment ? Quelles politiques mettre en place ? L’animal d’élevage et l’animal domestique sont-ils à mettre sur le même plan, la fin de l’un signifie-t-elle la fin de l’autre ? Le débat se poursuit.

Source de l'article : Valérie Deymes pour Sud Ouest