27 février 2023|Événements & culture

Christelle Taraud aux Rencontres Sciences Po Bordeaux / Sud Ouest

Les Rencontres Sciences Po Bordeaux/“Sud Ouest” ont permis à la féministe et historienne Christelle Taraud d’expliquer la construction de l’ouvrage collectif (1) qu’elle signe sur l’histoire du féminicide.
Christelle Taraud aux Rencontres Sciences Po Bordeaux / Sud Ouest

La vaste salle de congrès Station Ausone de la librairie Mollat a fait le plein hier soir pour écouter la féministe et historienne - c’est ainsi qu’elle aime à se présenter - Christelle Taraud. Celle-ci répondait aux questions des étudiants de Sciences Po orchestrées par Aude Ferbos, journaliste à “Sud Ouest”, lors de la Rencontre Sciences Po/“Sud Ouest”

Christelle Taraud a pu, à la fois, proposer une plongée au cœur de la mécanique l’élaboration de l’ouvrage collectif qu’elle signe, ainsi qu’une immersion dans l’injustice et l’horreur du féminicide, terme né dans les années 90 au Mexique, mais un drame qui traverse les siècles.

« J’ai longtemps enseigné le féminicide de manière informelle, mais quand il fallut réaliser un ouvrage académique sur le féminicide, j’ai découvert que beaucoup de travaux de recherche avaient été réalisés, surtout en Anglais et en Espagnol, et majoritairement par des chercheuses ».

Un constat qui explique le nombre de signatures que contient l’ouvrage : 138. « Il s’agit d’un livre polyphonique de chercheuses, de militantes, de survivantes, de résistantes, de journalistes… ce n’est pas qu’un ouvrage de chercheuses occidentales. Il reprend des travaux de chercheuses et militantes d’Europe mais aussi d’Asie, d’Inde, d’Amérique du Sud, du Mexique. »

“Si on cherche les femmes on les trouve !”

Des travaux qui ne se limitent pas à un recensement des féminicides à travers les temps et les cultures. « Ce livre n’est pas qu’un comptage morbide de nos mortes, mais il était tout de même important de faire un travail de recensement, de comptabilisation, de documentation. Si on ne documente pas le crime, il n’existe pas. En documentant les féminicides on répond au déni, à la banalisation et à la relativité qui conduit à l’impunité », assurait Christelle Taraud, qui plaide pour une définition maximaliste du féminicide. « Le nombre des féminicides s’est trop longtemps limité aux crimes de femmes par des partenaires intimes. Depuis peu, en France, des associations féministes militent recensent les crimes dits d’honneur, les meurtres de travailleuses du sexe, les morts après mutilation génitale, les suicides forcés. En 2021 par exemple, on recense 130 féminicides, mais dans le même temps 200 femmes se sont suicidées au sortir d’une relation sous contrainte. »

L’ouvrage aborde aussi le phénomène de l’invisibilisation des femmes “importantes” à travers le temps. baptisée « Féminicide historique ». « Il y a beaucoup de femmes qui ont fait l’histoire. Dire le contraire revient plus ou moins consciemment, à néantiser les femmes » lançait Christelle Taraud, ajoutant: « Si on cherche les femmes on les trouve ! » Le double sens de cette affirmation résumait bien la soirée “militante” et “combattante”.

 

(1) « Féminicides : Une histoire mondiale », Éditions La Découverte.

Source de l'article : Pascal Rabiller pour Sud Ouest