Plus de 10 000 kilomètres séparent Sciences Po Bordeaux et la Hong Kong Baptist University. Pour autant, les deux établissements n’ont semblé aussi proches l’un de l’autre, comme l’atteste la présence pendant une dizaine de jours en mars, dans les locaux de l’école, d’un professeur associé de l’université asiatique, Martin Chung, professeur associé. Ce dernier a été invité en qualité de responsable de la formation intitulée Binational English Programme France-Hongkong (BEPHK) conçue et développée par l’Institut et cette université privée partenaire. Son programme réunit dans une même promotion à parité des étudiants bordelais et hongkongais. Il résulte des relations soutenues entre les deux établissements dont les premiers accords d’échange d’étudiants datent de 20131. La formation proprement dite et initiée par Dario Battistella2 a commencé à prendre forme à partir de 2017 avant l’ouverture de la première promotion en 2020-2021, en plein Covid. Lucile Martin, directrice des Relations Internationales de l’école, précise la finalité de ce programme rarissime à l’échelle des IEP de France. « L’ouverture internationale de Sciences Po Bordeaux dépasse depuis longtemps le cadre européen. La création d’un programme de formation débouchant sur un double diplôme avec une université partenaire à Hong Kong renforce cette dimension avec, à la clé, une ouverture vers l’Asie. Notre directeur Dominique Darbon est par ailleurs convaincu qu’il faut aussi s’internationaliser « de l’intérieur ». Ce principe consiste à développer à Bordeaux des cursus essentiellement ou en grande partie en langue anglaise, ce que cette formation propose et illustre parfaitement ».
Une formation doublement diplômante
Sciences Po Bordeaux et Baptist University ont réussi le tour de force de rendre compatible deux systèmes universitaires différents. À Bordeaux, la scolarité du premier cycle dure 3 ans suivie d’un second cycle de deux ans alors que celle qui débouche à Hong Kong sur un bachelor spécialisé en sciences sociales s’étale sur 4 ans. Mais là où il y a une volonté, il y a un chemin que les deux établissements ont trouvé. Concrètement, chaque promotion BEPHK passe ses deux premières années d’études à Hong Kong et la 3e année à Bordeaux. Tous les étudiants de la promo sont prioritaires pour s’inscrire ensuite en master à Sciences Po Bordeaux, obtenant ainsi in fine et conjointement une double diplomation. « L’intérêt de cette formation est double, tant par les deux diplômes obtenus que par une longue immersion dans le pays partenaire, ce qui permet d’ajouter à une formation en sciences sociales une expérience forte en matière de relations internationales » précise Anna-Maria Lecis Cocco Ortu3, responsable de ce programme pour Bordeaux. L’enseignante bordelaise - tout comme son alter ego Martin Chung de Hong Kong - met en exergue la pratique des langues étrangères et le bouillon de culture né de la rencontre avec des étudiants d’autres nationalités. « En Asie, nos étudiants suivent les cours en anglais et bénéficient en plus de cours de mandarin et de civilisation chinoise. En troisième année à Bordeaux, les étudiants de BEPHK sont rejoints par des étudiants romains de LUISS University pour une année scolaire totalement anglophone ». La formation ouvre de fait de belles perspectives professionnelles à ses bénéficiaires. « Les premiers diplômés sortiront en 2024-2025 et auront des opportunités d’emploi en Asie. Ils pourront prétendre aussi par leur acquis en sciences sociales sur deux continents et leur vécu international à des postes de gouvernance dans un environnement très internationalisé ».
Une formation attirante mais exigeante
Récente à l’échelle de l’école, la formation BEPHK est moins connue que d’autres. Elle séduit déjà pour autant un public post-bac avide d’ouverture internationale. « Le programme Binational English Programme France-Hongkong attire les élèves lorsqu’on la présente à l’occasion de salons étudiants sur l’orientation » confirme Lucile Martin. Avant d’ajouter dans un sourire que « les parents sont en revanche plus réticents à voir leur enfant partir deux ans à Hong Kong dès la sortie du bac ». Une attitude que l’on peut comprendre lorsqu’on sait que certains candidats sont encore mineurs. Pour autant, les parents d’élèves sont vite rassurés lorsque l’Institut détaille l’organisation mise en œuvre. Carol Lin a rejoint à ce titre Sciences Po Bordeaux comme chargée de mission Relations internationales. Elle s’occupe spécifiquement des programmes binationaux anglophones de l’école, dont ce programme BEPHK. Elle effectue un suivi constant avec les universités partenaires et les étudiants bordelais, sans parler bien évidemment de l’encadrement adapté et personnalisé sur place par Baptist University. Sur le plan logistique, les étudiants de Sciences Po Bordeaux peuvent obtenir une aide à la mobilité sur la base de critères sociaux. À Hong Kong, ils peuvent aussi bénéficier d’une chambre dans une résidence universitaire. Ils sont également assistés dans leur quotidien, de l’ouverture d’un compte bancaire à la gestion de formalités administratives si besoin. La formation – séduisante mais exigeante – a attiré pour l’année 2023-2024 80 candidatures pour 5 places seulement, soit 10 étudiants au total pour les deux universités. « Ce quota restrictif s’explique par la dimension spécifique du programme qui attire des candidats sinophiles. Ils ont une appétence forte pour la Chine et l’Asie et disposent pour la plupart d’une ouverture internationale, soit parce qu’ils ont baigné dans des environnements multiculturels, soit parce qu’ils ont déjà vécu à l’étranger » analyse Anna-Maria Lecis Cocco Ortu. « Les retours que nous avons des premières promotions sont très satisfaisants » poursuit l’intéressée, très à l’écoute des observations des élèves. « Nous sommes encore en phase d’ajustements afin de répondre quand cela est possible aux remarques des étudiants des deux établissements et en faisant toujours attention de trouver un équilibre entre les attentes des uns et les contraintes des autres ». En scellant un partenariat avec l’une des meilleures universités de Hong Kong, le service des Relations Internationales de l’école fait flotter au sein de Sciences Po Bordeaux un parfum d’Asie à la fois original et pertinent.
1 La direction du service des Relations Internationales
2 Enseignant à Sciences Po Bordeaux depuis 2002, Dario Battistella est également à l’origine de la création du premier Master en relations internationales d'expression anglaise crée en dehors de Paris, BIRD.
3 Maîtresse de conférences en Droit public, responsable par ailleurs d’un autre programme binational anglophone, le BEP-LUISS en partenariat avec l’université de Rome.
Photographie : The Shaw Campus 2016 - Wpcpey - CC BY-SA 4.0
Le contenu de la formation en bref
Pluridisciplinaire et généraliste en 1re année, la formation est suivie en 2e année d’une spécialisation en études chinoises ou en études internationales. Le programme couvre les différentes aires de la science politique : sociologie politique, institutions, relations internationales, etc. En matière d’aire géographique à la Baptist University, les études se concentrent sur la politique hongkongaise, la Chine continentale et la région Asie-Pacifique. La situation si particulière de Hong Kong constitue par ailleurs un terrain d’apprentissage rêvé pour les étudiants bordelais sur place tant sur le plan politique que sur le plan économique1.
1 La « région administrative spéciale de la République de Chine » a été le théâtre de répression politique (cf. les manifestations de 2019). Elle constitue par ailleurs l’un des plus importantes places financières du monde.