07 novembre 2024|Égalité des chances

20 ans de démocratisation de l’accès à Sciences Po Bordeaux

Dispositif Je le Peux Parce Je le Veux (JPPJV)

Initié par Sciences Po Bordeaux et le Conseil régional d’Aquitaine en 2004, ce programme d’égalité des chances a permis à plus de 500 lycéens confrontés à des inégalités sociales et/ou territoriales d'entrer à Sciences Po Bordeaux.

Le dispositif JPPJV fête en cette année 2024-2025 ses 20 ans d’existence. La Nouvelle-Aquitaine – partenaire historique du dispositif – et Sciences Po Bordeaux ont organisé pour l’occasion à l’hôtel de Région le 16 octobre 2024 une journée dédiée à l’événement avec un riche programme : conférence des proviseurs et des équipes pédagogiques, bilan chiffré de deux décennies d’activités, projection pour l’année en cours, temps d’échange avec la salle ou encore témoignages de lycéens ou d’alumni. Avec, in fine, un mot d’ordre en guise de conclusion partagé par tous : le dispositif doit continuer et même, si possible, s’amplifier !

Né en 2004 sous la forme d’une expérimentation avec un seul établissement partenaire (le lycée Élie Faure à Lormont dans la banlieue bordelaise situé en zone d’éducation prioritaire), le projet n’a cessé ensuite de se développer. Il comptait 13 établissements dès la seconde année, puis 27 en 2014. La diversité sociale d’accès à Sciences Po Bordeaux constitue l’ADN de cette action au long cours, labellisée Cordée de la réussite par l’académie de Bordeaux et la Préfecture de région en 2008. La réforme territoriale de 2015 de fusion des régions a posé la question de son ouverture territoriale, l’autre de ses composantes essentielles aujourd’hui. En 2016, 13 nouveaux lycées issus des ex-régions Limousin et Poitou-Charentes rejoignent le mouvement aquitain. Celui-ci compte désormais 49 établissements participants à l’échelle de la région Nouvelle-Aquitaine et reçoit le soutien des académies de Bordeaux, Limoges et Poitiers. Les lycées concernés sont issus de tous les départements du territoire, dont ceux qui sont les plus éloignés géographiquement de la métropole bordelaise au sein de la plus vaste région de France.

Créé à une époque où l’ascenseur social montrait des signes de fragilité, le dispositif a perduré et s’est étoffé alors que le schéma de reproduction des élites n’a fait que se conforter. « Les inégalités ne se sont pas estompées depuis vingt ans. L’inflation que l’on vient de connaître et les tensions économiques actuelles n’améliorent pas la situation » confirme Yves Déloye, professeur de science politique et chargé de mission à l’égalité des chances au sein de l’Institut. « Même si les programmes d’égalité des chances figurent au menu de toutes les grandes écoles, des disparités notables sont observées selon les établissements. Les efforts sont insuffisants. Ce n’est pas un hasard si la Fondation Jean Jaurès a publié en septembre 2024 un rapport intitulé « Démocratiser les classes préparatoires aux grandes écoles - CPGE ». Dans le même temps, il faut reconnaître que la situation serait pire si aucune action n’avait été engagée. Celle de Sciences Po Bordeaux, rendue possible grâce à ses partenaires et à l’engagement des établissements participants, prend dès lors une signification particulière. Le dispositif prouve qu’il fonctionne sur le temps long, conjurant ainsi à son échelle la loi d’airain de la discrimination ».

Des destins éloquents, des chiffres marquants

Et Yves Déloye de raconter la réussite de cette enfant portugaise issue d’un milieu social très modeste qui est arrivée à l’âge de dix ans à Châtellerault sans connaître un mot de français et qui a intégré Sciences Po Bordeaux après le bac grâce à son talent et… à JPPJV. Plus de 500 autres bénéficiaires de ce programme d’égalité des chances ont intégré un Institut dont ils n’auraient probablement jamais imaginé ou osé pousser les portes sans l’accompagnement dispensé. Le dispositif a comme premier mérite celui « de casser les phénomènes de méconnaissance des grandes écoles et d’autocensure de la part de certaines typologies d’élèves » analyse Stéphane Allioux, proviseur du lycée de la Venise verte à Niort. Tous les protagonistes de l’action de Sciences Po Bordeaux louent à ce titre la valeur d’exemplarité du demi-millier d’anciens lycéens JPPJV diplômés ou en cours de scolarité. Des profils que Cécile Pellarini, directrice des admissions de l’établissement, connaît bien. En charge avec Yves Déloye de l’organisation de l’accompagnement JPPJV, elle-même ou un membre de son équipe se rendent chaque année dans les établissements. « Nous irons encore cette année à la rencontre de 25 lycées JPPJV, en sachant que tous ont déjà été visités par nos soins par le passé. À chaque fois, nous mobilisons une petite délégation à laquelle participe la Région à certaines dates. Les établissements que nous ne voyons pas une année bénéficient de la venue de l’association d’éloquence Hauts les Mots de Sciences Po Bordeaux qui organise des ateliers de prise de parole1 ». Bien rodé, le modus operandi s’enrichit d’une nouveauté en cette rentrée 2024-2025. « Pour rendre la présentation de l’école aux élèves, nous innovons avec l’instauration d’une simulation de conférence de méthodes qui constitue un marqueur fort de l’école apprécié des étudiants. La proximité fait partie intégrante de la réussite de ce programme d’ouverture sociale et territoriale ».

Le rôle clé des étudiants et des enseignants JPPJV

Cécile Pellarini souligne le rôle crucial des étudiants JPPJV de l’école qui accompagnent l’équipe de Sciences Po Bordeaux au sein des lycées. « Ils font part de leur expérience aux lycéens avec qui ils échangent, en leur rappelant qu’ils étaient à leur place il y a peu. Ils tiennent un discours de vérité qui fait écho auprès des élèves auxquels ils s’adressent et participent grandement au succès de ces rencontres ». Autre temps fort du dispositif : la visite de tous les participants des lycées – élèves et enseignants – à Sciences Po Bordeaux. Compte tenu du nombre de participants, deux dates sont calées chaque année pour accueillir tout le monde, soit 300 à 400 participants par session. « Nos étudiants JPPJV ainsi que l’association Hauts les Mots concourent à cette journée qui sensibilise beaucoup les lycéens et leur permettent de se projeter. Ils sont très favorablement surpris par la modernité de l’établissement et l’esprit qui y règne. Nous déjeunons tous ensemble, favorisant les discussions à bâtons rompus avec les étudiants. Nous leur présentons aussi la bibliothèque, les amphithéâtres ou encore les laboratoires de langues. Avant de partir, nous leur offrons une documentation et des goodies dont ils sont très fiers ». La directrice des admissions rend aussi hommage aux enseignants des lycées. « Beaucoup sont admirables. Leur engagement est tel qu’ils prennent parfois sur leur temps personnel pour préparer jusqu’au dernier moment nos candidats JPP à l’épreuve orale d’admission » indique-t-elle, non sans omettre de souligner l’autonomie totale dont ils jouissent pour « préparer les élèves ». « Nous ne nous immisçons pas dans leur pratique pédagogique. Nous leur apportons en revanche des conseils et des outils adaptés ». L’occasion ici de saluer le travail de Grégory Champeaud, coordinateur pédagogique Cordées de la réussite et responsable du centre de ressources JPPJV. Cet espace numérique contient des informations précieuses sur l’inscription à Sciences Po Bordeaux et le déroulement de l’oral d’admission. Il propose aussi des contenus de suivi de l’actualité et des podcasts en ligne.

Des étudiants comme les autres

D’hier à aujourd’hui, Sciences Po Bordeaux n’a jamais voulu rentrer dans une logique de discrimination positive à travers son dispositif JPPJV. Elle n’a donc pas organisé une voie spéciale pour les élèves recrutés, ni même réservé de places à leur intention. Ces derniers passaient jadis le sélectif concours de l’école. Depuis 2020, ils s’inscrivent via la plateforme Parcoursup et suivent les mêmes règles d’admissibilité et la phase d’admission que les autres. Une fois admis, une règle d’invisibilité les concernant prévaut, ce qui ne veut pas dire qu’ils ne sont pas fiers de leur parcours, bien au contraire. Flora Jordi, diplômée en 2014, évoque d’ailleurs cette question dans son interview à lire ci-dessous. L’admission à Sciences Po Bordeaux des JPPJV soulève cependant l’épineuse question financière pour certains, 56 % d’entre eux étant boursiers de l’enseignement supérieur. La gratuité des frais d’inscription pour ces derniers et des tarifs réduits pour les autres apportent une première réponse, en sachant que ces étudiants peuvent bénéficier comme tous les élèves de l’école des nombreuses mesures sociales d’aides de Sciences Po Bordeaux2. À noter aussi le soutien de la Fondation Julienne Dumeste qui procure trois hébergements à loyer modéré aux jeunes issus du programme. En 2024-25, ces hébergements situés au centre de Bordeaux bénéficient à des élèves boursiers issus du programme JPPJV.

Au nombre de cinquante en 2024-2025, la cohorte JPPJV représente 15 % des effectifs de première année, un poids qui est loin d’être marginal. Quant à leur devenir, les statistiques démontrent qu’ils réussissent bien dans la vie, au même titre que les autres étudiants, ni plus, ni moins. 29 % poursuivent des études après leur diplomation, 93 % sont insérés professionnellement deux ans après leur sortie et 89 % bénéficient d’un statut de cadre. Autant de femmes et d’hommes qui peuvent affirmer que certaines grandes écoles de la République démocratisent leur recrutement sur l’autel de la méritocratie au prix d’un engagement fort, mais aussi de la mobilisation de moyens humains et financiers. « Il ne faudrait pas cependant que les dispositifs actuels d’égalité des chances servent d’alibi à des politiques qui ne veulent pas réduire fondamentalement les inégalités sociales et territoriales » prévient Yves Déloye. Le sujet reste d’actualité…

1 400 élèves rencontrés à travers 20 lycées en 2023-2024
2 Programmes OSE, BALAFON et FAIRE

Interviews

Stéphane Allioux, proviseur du lycée de la Venise verte à Niort

"Un dispositif gagnant pour tout le monde"

Pourquoi votre lycée participe-t-il au dispositif JPPJV ?

J’avais eu l’occasion de vérifier l’efficacité de dispositif en tant que proviseur lors de ma précédente affectation. Quand je suis arrivé au lycée de la Venise verte à Niort en 2019-2020, l’équipe pédagogique et moi-même avons souhaité faire acte de candidature à JPPJV car cela nous a paru comme une évidence. Notre établissement, situé dans un quartier prioritaire de la politique de la ville (QVT), offre une grande diversité de formations et dispose d’une culture d’excellence et de réussite des étudiants qui empruntent les voies technologiques et professionnelles. Nous disposons à cet effet de deux prépas1 qui constituent un axe majeur de notre projet d’établissement. En participant à JPPJV, nous réaffirmons qu’il est possible de concilier sélectivité et ouverture sociale. Nous disposons déjà d’un bon taux de poursuite post-bac et sommes désireux de monter en puissance pour que nos élèves qui en ont les facultés puissent s’inscrire dans des études longues quelle que soit leur filière.

Quel bilan tirez-vous de votre expérience JPPJV ?

Je connais personnellement le dispositif depuis plus de 7 ans et je l’ai vu évoluer au fil du temps. J’espère qu’il va continuer dans la voie qu’il s’est tracée et qu’il pourra avoir une ampleur supplémentaire pour « casser » deux phénomènes que j’observe chez les élèves et les parents de classes sociales moyennes ou défavorisées. Le premier concerne leur méconnaissance des grandes écoles, le second leur autocensure à l’égard de cursus dont ils pensent qu’ils « ne sont pas pour eux ». Ce constat est renforcé par la distance physique qui sépare notre lycée de la capitale régionale. On ne dira jamais à ce titre combien la journée au sein de votre IEP est bénéfique pour nos candidats JPPJV dont beaucoup pensent que des études « Sciences Po » dans une métropole comme Bordeaux leur sont inaccessibles. Cette immersion in situ dans le cadre d’une prise en charge bienveillante et rassurante s’avère indispensable, tout comme le témoignage d’anciens lycéens bénéficiaires du dispositif qui prouvent à nos lycéens que l’entrée au sein de votre école est possible.

Quels sont les autres facteurs qui concourent au succès du dispositif selon vous ?

Rien ne serait possible sans l’adhésion et l’implication de nos enseignants volontaires. Nous en comptons une dizaine au sein de notre établissement qui intervient selon leur domaine de compétences et qui font preuve d’une grande souplesse pour proposer aux candidats JPPJV des temps de préparation. Nous avons aussi la chance de disposer d’un CDI numérique d’une grande richesse et deux documentalistes au fait du dispositif. Ces éléments permettent à nos élèves d’acquérir des connaissances utiles pour leur scolarité. De manière plus générale, nous veillons particulièrement au climat social de notre établissement et à sa qualité de vie. Aussi, même si le dispositif ne concerne qu’un nombre limité d’élèves, il « parle » à beaucoup. Je pense à ce titre que les écoles d’ingénieurs et de commerce auraient elles aussi tout intérêt à développer plus leurs dispositifs d’égalité des chances comme Sciences Po Bordeaux l’a fait. JPPJV est gagnant pour tout le monde car il permet à la fois d’annihiler certaines représentations d’un côté, d’ouvrir des perspectives d’avenir de l’autre.

1 Deux CPGE économiques et commerciales : L’E.C.Technologique (STMG) et l’E.C.Professionnelle (tous bacs professionnels).

Le Lycée de la Venise verte en bref

Situé à Niort, le lycée de la Venise verte compte 1500 élèves environ. Outre son identité sportive forte (7 sections), il se caractérise par des formations post-bacs regroupant 320 apprentis/étudiants. Intégré à JPPJV depuis 2019/2020, il a accompagné une cinquantaine d’élèves depuis la mise en place du programme. L’établissement participe par ailleurs au module d’égalité des chances PrépaSup en Première et en Terminale.

Flora Jordi, diplômée JPPJV 2014

"Je n'avais rien à perdre mais tout à gagner !"

Quel était votre environnement familial au lycée et comment avez-vous connu le dispositif JPPJV ?

Je suis issue d’une famille de classe moyenne avec une mère professeur dans un lycée professionnel et un père comptable. J’ai grandi à Cenon près de Bordeaux dans un territoire classé alors en ZEP1 et j’ai toujours fréquenté l’école publique avec des résultats scolaires satisfaisants. C’est en première au lycée Elie Faure de Lormont – impliqué dès la première année dans JPPJV- que j’ai entendu parler du dispositif grâce à un professeur d’histoire-géographie. Mes parents et moi-même avons vu l’opportunité d’acquérir des compétences supplémentaires sans pour autant trop se faire d’illusion sur les chances de succès au concours de Sciences Po Bordeaux car sur les deux ou trois années précédentes, un seul candidat avait été reçu.

Quel souvenir gardez-vous de cette préparation ?

Elle se déroulait le mercredi après-midi à une époque où le concours d’entrée était basé sur des épreuves écrites, avec une forte dominante de culture générale. Je me souviens que cela représentait pas mal de travail car nous devions en plus des séances en présentiel effectuer des travaux de dissertation à la maison. Ce fut formateur pour développer mes connaissances, apprendre à structurer ma pensée, acquérir de la méthodologie, mais aussi faire preuve de rapidité car l’épreuve de dissertation de Sciences Po Bordeaux prévoyait deux fois moins de temps qu’au bac. Il fallait dépoter ! JPPJV a été génial pour moi car – Sciences Po ou pas – j’ai éveillé ma curiosité en tant que citoyenne. Je suis persuadée que l’accompagnement actuel qui donne une place importante à l’oral sera utile à tous ses bénéficiaires, quel que soit leur devenir.

Quelle a été votre réaction lorsque vous avez appris que vous aviez réussi le concours ?

Je ne me souviens plus précisément du moment exact. Mais je sais qu’il y avait de la fierté dans mon cercle familial à l’annonce de cette grande nouvelle, mon grand-père étant le plus euphorique de nous tous. Il y avait un côté « incroyable » dans cette réussite au concours car on avait l’image d’une école élitiste, un peu inatteignable, dont on ne connaissait en fait presque rien. Cette image « haut de gamme » a perduré quelques jours après la rentrée car j’entendais parler à côté de moi des enfants de diplomate qui avaient voyagé à travers le monde. Mais cette vision parcellaire s’est vite estompée et je me suis parfaitement intégrée au sein d’une école dont j’ai pu vérifier ensuite qu’elle accueillait tous les profils.

Sciences Po Bx revendique le fait d’avoir toujours cherché à ne faire aucune différence entre les étudiants JPPJV et les autres. Est-ce que vous confirmez et est-ce que vous l’avez vécu comme cela ?

Je l’atteste pleinement. Personne dans ma promo ne savait que j’étais passée par JPPJV. Ce n’était pas un problème en soi puisque j’avais passé et réussi le même concours que les autres. Je ne crois pas que la discrimination positive soit une bonne chose pour un recrutement de grande école. Plutôt que de vouloir « abaisser » le niveau d’un concours, je trouve plus sain de chercher à faire monter en compétences certains candidats qui ne disposent pas des codes pour le passer. Personnellement, je n’aurai franchement pas apprécié d’avoir l’étiquette d’une étudiante qui a passé des épreuves adaptées à travers un concours spécial.

Dix ans après votre sortie de Sciences Po Bordeaux, vous œuvrez dans une activité qui fait rêver de nombreux jeunes : l’événementiel sportif de très haut niveau (Coupe du monde de rugby, Coupe du monde féminine de football, JO de Paris, etc.). Quels sont les ingrédients qui vous ont permis de vivre cette trajectoire ?

J’ai effectué un master de communication publique et politique à Sciences Po Bordeaux, établissement qui ne propose pas de formation à l’événementiel sportif. Mon parcours est le résultat d’opportunité et de disponibilité, mais aussi de sacrifices car c’est un secteur très chronophage et stressant pour lequel il faut s’impliquer à fond. Toutes les étudiantes et tous les étudiants peuvent potentiellement avoir ce même cheminement. Je crois simplement qu’il faut qu’ils « osent », comme je l’ai fait en m’inscrivant au dispositif JPPJV en sachant que je n’avais rien à perdre mais tout à gagner. Ensuite, j’ai profité comme les autres de la formation Sciences Po Bordeaux. Celle-ci confère à ses étudiants une capacité de travail et une méthode qui leur permettent, une fois arrivée sur le marché de l’emploi, de « faire leur trou ».

1 Les Zones d’éducation prioritaire (ZEP) ont été remplacées depuis par les Réseaux d’éducation prioritaire (REP).

Maryvonne de La Taille, Directrice de l’Éducation Région Nouvelle-Aquitaine

Un dispositif efficace, fruit d'un partenariat fort

Quel bilan faites-vous de 20 années de JPPJV ?

Il s’agit d’un dispositif très efficace. Il a été créé pour diversifier, à l’échelle régionale, les profils des élèves recrutés à Sciences Po Bordeaux tant au niveau territorial que social. Après 20 ans, on constate que c’est effectivement le cas. Les candidatures issues des 12 départements sont « tirées » par le dispositif et 56% des recrues issues de JPPJV sont boursiers, soit 26 points de plus que la moyenne de la cohorte des étudiants de première année de l’école.

Le dispositif a gardé sa finalité mais a évolué au fil du temps. Quelles sont ses évolutions majeures qui expliquent selon vous sa montée en puissance année après année ?

C’est un dispositif qui a fait preuve d’une grande capacité d’adaptation au regard des besoins identifiés sur le terrain et de l’évolution des modalités de recrutement à Sciences Po Bordeaux. A titre d’exemple, on peut citer la mise en place d’ateliers sur la prise de parole avec l’association étudiante Haut les Mots. Je crois aussi que la confiance s’est installée dans les esprits. Les rencontres organisées chaque année dans les lycées du réseau JPPJV lors desquelles des étudiants de l’Institut, anciens élèves de ces lycées, témoignent de leurs parcours, constituent une preuve pour les lycéens présents qu’une grande école est à leur portée. Or la confiance permet d’enclencher la dynamique de réussite.

Pourquoi la Région Nouvelle-Aquitaine, co-productrice et partenaire historique, s’implique-t-elle autant dans ce dispositif qu’elle revendique haut et fort ?

La Région a effectivement été à l’origine de ce projet avec Sciences Po Bordeaux sur la base de diagnostics partagés entre le président de Région, Alain Rousset, et le directeur de Sciences Po Bordeaux de l’époque, Robert Lafore. Dans l’ensemble de ses politiques, la Région est très attachée à ce que l’ascenseur social reste en mouvement. Lutter contre les déterminismes, valoriser le potentiel des jeunes, les aider à identifier les opportunités qui existent et à concrétiser leurs projets sont le socle de plusieurs projets portés ou soutenus par la Région. C’est vrai pour JPPJV, ça l’est aussi par exemple pour les Olympiades des métiers pour les formations professionnelles.

Que retenez-vous de la manifestation à l’hôtel de région du 16 octobre dernier pour fêter les 20 ans de JPPJV ?

Tous les témoignages ont confirmé l’intérêt du dispositif et permis de toucher du doigt ses bénéfices. J’ai trouvé très intéressant que Sciences Po Bordeaux fasse intervenir des étudiants qui ont été dans les premières promotions de ce programme d’égalité des chances. On mesure combien ces jeunes gens qui avaient toutes les qualités pour rentrer à l’Institut seraient passés à côté d’opportunités sans ce soutien, lequel leur a ouvert un champ des possibles professionnel qu’ils n’auraient peut-être pas eu sans lui. J’ai senti aussi la forte mobilisation de toute la communauté JPPJV, son esprit fédérateur et son indéfectible motivation.

Quelles sont les pistes d’évolution du dispositif et a-t-il vocation à s’élargir encore ?

Aujourd’hui, le dispositif touche un millier de jeunes, ce qui est déjà considérable. Il demande déjà une forte mobilisation de toutes les parties prenantes, à commencer par l’IEP, pour maintenir la qualité de la relation avec les établissements (visites dans ceux-ci, ateliers, accueil à l’IEP etc.). Rappelons qu’il concerne les trois académies de Bordeaux, Limoges et Poitiers, et qu’il mobilise des lycées de tous les départements de Nouvelle-Aquitaine. À ma connaissance, aucun dispositif d’une telle amplitude et longévité n’existe ailleurs en région. Quelques nouvelles candidatures émergent régulièrement et – dès lors que ces établissements sont dans la cible que nous visons – elles sont étudiées. Quant aux futures évolutions du dispositif, les décisions seront discutées et se prendront avec Sciences Po Bordeaux avec qui nous travaillons main dans la main depuis le premier jour.